Naturel a écrit:Il y a en hifi des gens qui viennent écouter, parfois plusieurs fois, des systèmes élaborés, en magasin. Des écoutes qui durent des heures, sur des systèmes dont l'installation a aussi duré des heures, parfois dans plusieurs magasins (ça c'est la règle du jeu).
Une fois leur choix fait, soit, ils disparaissent et vont chercher le meilleur prix sur internet et ils reviendront éventuellement au magasin le jour où ils auront un problème avec le matériel (en invoquant la garantie de la marque). Parfois, ces clients feront la tournée des magasins qui vendent les mêmes marques pour obtenir le meilleur prix (évidement, le magasin qui n'a pas travaillé du tout sera tenté de faire une prix bas). Dans le meilleur des cas, ces clients reviendront vers le magasin qui a fait toutes les démos (et qui a investi dans le matériel pour être en mesure de faire des démos) et lui demandera de s'aligner sur le prix du vendeur machin qui est à l'autre bout du monde et qui va juste envoyer une boite. .
Voilà bien l'
archi-comble de l'incivisme, du manque d'élégance, à la limite de la malhonnêteté, qui tue à terme le biotope consituté par les auditoriums de briques et de ciment, où on peut écouter et comparer, physiquement, du matériel de qualité dans lequel un magasin physique spécialisé a investi lourdement (ce magasin pouvant aussi avoir un bon site Web - mais ce n'est pas sur le site qu'on écoute et compare du matériel). Si on en est réduit à ce point à devoir "racler les fonds de tiroirs" parce que les temps sont durs (ils le sont pour presque tous, y compris pour moi), on ne le fait pas
au détriment du temps et des efforts des autres. Une solution peut être de se tourner vers le matériel d'occasion pour limiter la dépense, et où l'offre est abondante. Ça permet de sauver les meubles, sans porter préjudice aux revendeurs, dont la vivacité est d'ailleurs nécessaire pour...alimenter à terme ce même marché de l'occasion, qui sinon se tarirait définitivement.
Ces gens ne réalisent pas
- qu'ils passent à côté du meilleur, càd du conseil et de l'accompagnement, de la mise en oeuvre
*, du réglage du système, que le professionnel fait dans le sillage d'une vente qui s'est faite en confiance. Et la confiance ça se construit.
- que leurs pratiques sont comme le RoundUp pour le biotope d'auditorium spécialisés, pourtant nécessaires à leur passion: une sorte d'agent orange...
*Un exemple frappant, dont témoigne Karen Sumner sur WhatsBestForum:
Elle est la présidente de la câblerie Transparent Labs, possède des Wilson, 2 Studer, un Steinway B. Une mélomane. Elle relate avoir rencontré un nombre invraissemblable de systèmes que leur propriétaire avait composé lui-même, fait d'appareils pourtant tous "Class A Stereophile Recommended component", mais qui n'allaient pas très bien ensemble (voire présentaient des "incompatibilités larvées"). Et ces systèmes, très chers, ne sonnaient pas du tout, voire sonnaient franchement mal. Quelle tristesse. Tant d'efforts et d'argent pour un résultat aussi pauvre. Alors que tisser une relation de confiance avec un revendeur compétent permet si facilement d'éviter de pareilles déconvenues.
Pour contrer ces pratiques détestables, chronophages, et pour préserver leur simple survie, de plus en plus d'auditoriums ont commencé à
faire payer les écoutes. Dont le prix est évidemment déduit du montant en cas d'achat. Notamment un revendeur de Kondo (les électroniques à tubes japonaises ultra-haut-de-gamme), en France, a
dû initier cette démarche; ils n'avaient "plus le choix", disaient-ils.
La réaction des prospects et clients est édifiante: seuls ralent les "chasseurs d'auditoriums", qui viennent écouter sur RDV mais n'achètent jamais rien (et n'en n'ont pas l'intention). Les clients, eux (ou qui avaient l'intention de le devenir), comprennent "tout-à-fait qu'un commerce physique hyper-spécialisé, qui a ses charges mensuelles, pratique cette approche".
Perso, elle ne me choquerait pas.
Je dirais même: si c'est la condition de la survie de la profession, il est même souhaitable qu'elle s'impose de façon aussi généralisée que possible. Ce serait, bien sûr, la fin d'un monde (de liberté, de "gratuité butinante", permettant les découvertes fortuites, qui se transforment parfois en achats ultérieurs). Mais puisque, de toute, façon, on change de monde, autant s'adapter pour y survivre afin qu'y perdure simplement le meilleur de l'ancien monde - simple question de préservation
de ce qui mérite de l'être.
Ce qui n'exlut pas pour autant d'avoir un "bon site Web" (ce que presque tous ont). Mais ne pas leur demander de rivaliser avec Amazon, CoolBlue, ou Bol.com en termes de logistique et de délai de livraison, il faut rester sérieux (et puis, de toute façon, essayez de trouver un produit qualitatif sur ces sites, sauf à croire à
ce type d'escroquerie intellectuelle). Un "bon site Web" est pour un magasin une
condition nécessaire (pour donner envie de franchir le pas et
se déplacer pour venir écouter), mais
non-suffisante: on n'écoute et ne compare pas ses enceintes à travers le site Web du magasin, un casque sur les oreilles. Le
physique est premier, et même primordial ici. Son étiolement signifierait la disparition de la chose même qu'est la reproduction sonore, les "arts sonores", la haute-fidélité au plein sens du terme - chacun appelle ça comme il veut - à destination du
public (pas des
pros: leur matériel, très spécifique, subsistera toujours; l'enjeu du matériel "consumer" de qualité est la diffusion la plus large possible des pratiques d'écoutes qualitatives).