Voici la suite de cette petite aventure.
En musique, je rencontre souvent le bonheur que les artistes ont à « essayer ». Vous n’avez pas idée du nombre de sons créés à l’aide d’accessoires parfaitement inattendus. Par exemple, une baby Taylor, modèle de guitare 3/4, à l’origine créé pour les plus jeunes, qui une fois enregistrée ressemble tellement au son des guitares folk et parlor à petite caisse du début du siècle passé. Le musicien moderne est un créateur qui ne s’encombre pas de savoir si tel ou tel instrument ou objet est une référence du moment, pour peu qu’il lui permette d’obtenir les sons qu’il recherche.
C’est un peu dans cet état d’esprit que j’ai accueilli l’écoute dont il est question aujourd’hui, en laissant de côté la sacro-sainte croyance qui dit qu’en haute fidélité il faut un équilibre financier de « x » contre « x » pour qu’un système soit équilibré. Dans le même ordre d’idée, il y a quelques années, les gros moteurs étaient réservés aux grosses autos et les petits moteurs aux petites voitures. Ce qui apparaît comme bien absurde maintenant dans la mesure ou tout démontre que de petites voitures ultra-performantes offrent un plaisir encore inconnu il y a peu. Cela n’intrigue plus personne de monter un moteur sur-vitaminé de 3 litres de cylindrée dans une citadine. Arrêtons là l’analogie avec l’automobile. Il est juste évident pour moi qu’un minimum d’ouverture d’esprit rend possible le fait de d’embrasser l’inattendu. Aussi, je n’ai aucun problème à écouter une électronique à 10000 euros sur une enceinte à 5000 pour peu que la magie et l’émotion soient au rendez-vous. Et là, nous sommes beaucoup plus proche de mon propos.
La configuration du jour peut étonner. Une enceinte, telle la Wilson Audio Sophia 3, conduite par un « petit » ensemble à tubes comme le Primaluna a de quoi surprendre. Je me rends à cette écoute, qui a duré deux bonnes heures, avec trois disques que je connais bien, le dernier album de Clapton (qui porte simplement son nom) qui est assez polyvalent avec des plages acoustiques, de blues acoustique et électrique, même quelques cuivres, le « Live to mars » de Ben Harper, surtout l’album deux ou il est seul en scène avec sa guitare. Et l’album « Plutôt guitare » de Maxime Leforestier, où se rencontres trois guitares bien nées, dont la Taylor 814 de Jean-Félix Lalanne et une voix. Albums auxquels j’ajouterai « Hell or high water » de Sara K. et Baldamore de Hadouk Trio pour les percussions et un côté plus ethnique.
A la maison, mon système est drivé par un ampli class A à transistors qui envoie le courant à la demande sur les messages les plus complexes. Je m’attends à ne pas pouvoir demander cela au Primaluna. Bien qu’ayant déjà entendu les Sophia 3 au salon d’octobre, je ne considère pas les connaître. J’accueille donc cette écoute avec des oreilles et une sensibilité toutes neuves.
Premier constat, sur les différentes plages de l’album de Clapton et quels que soient les instruments rencontrés, guitare acoustique, électrique, orgue, voix, le contrôle est très honorable et la dynamique respecte très bien le caractère des instruments. La restitution est douce et détaillée. Je ne retrouve pas le sous-grave dans le très bas du spectre (pourtant les Sophia connectées aux Pass Labs XA100 offre cette possibilité). L’écoute de l’album Baldamore me prouvera que le registre grave travaille bien, mais le sous grave, non, je ne le retrouve pas. Peut-être mes habitudes de « class Atiste » qu’il serait absurde de comparer à un ampli à tube dont la réserve en courant est moins importante. Ceci étant, j’attends autre chose de l’écoute pour me cantonner à cette partie extrême du registre. C’est à partir de là que ce moment devient intéressant. Je pense avoir déjà exprimé plusieurs fois le fait que pour moi la musique est avant tout une affaire d’émotion, d’ambiance, de timbre, d’aération, de magie, de fluidité, de cohérence, d’évidence, d’élégance. Et c’est là que je fus le plus surpris. L’ouverture de la scène sonore est superbe, la profondeur également. Ce sont des caractéristiques que je retrouverai sur tous les albums écoutés ce jour.
En astronomie, nous parlons du pouvoir de séparation pour évoquer la capacité d’un instrument optique à différencier deux astres très proches. Ce parallèle me vient aussi dans le cadre de ce système. Les instruments sont parfaitement détourés, trouve leur place dans l’image, l’air circule entre les intervenants. Le caractère, la nature de chacun d’eux sont préservés et mis en valeur avec beaucoup de justesse. La matière des cordes est surprenante. Sur « Live to Mars », le réalisme et la subtilité du glissé des doigts sur les cordes est peut-être un des plus physique et fin qu’il m’ait été donné d’écouter. Beaucoup de détails, de matière et aucune agressivité dans l’aigu à bas volume, peut-être même aurais-je souhaité un peu plus de brillance sur les cymbales de l’album « Clapton » (mais c’est aussi une question de prise de son). A fort volume (je n’ai malgré tout jamais dépassé le mi-volume), les choses reprennent leur place sur le « Clapton » alors que la brillance des cordes du Ben Harper en font un peu trop. Mais a-t-on idée d’écouter une guitare et une voix seule à un volume aussi élevé... A ce moment, je me rends compte que je me force à me poser des questions alors que ma seule envie est de laisser filer le disque pour simplement écouter un système dont la musicalité et la fluidité m’enchantent. Sur mes trois disques, les enceintes s’effacent et me laissent en compagnie de la salle et de la musique. Les ambiances de salle de concert sont surprenantes de réalisme, encore l’ouverture, la transparence (comme le nom des coûteux câbles HP – Transparent Reference). La salle respire.
C’est évident, la Sophia 3 ne descend pas aussi bas qu’une Sasha (l’ampli dans ce cas y est aussi pour quelque chose) et ne monte pas aussi haut qu’une Sasha, mais la Sophia m’apparaît comme un diffuseur très équilibré qui est en mesure de restituer la musique avec beaucoup de cohérence et d’émotion. Sur « Live to mars », le timbre et le caractère des guitares de Ben Harper est impeccable, la présence de la voix m’emporte et me permet de voyager dans le côté tragique de l’émotion véhiculée par les compositions et l’interprétation de Ben. La salle réagit et des cris, auxquels je ne m’attendais pas jaillissent. Je suis avec lui.
Sur la plage cinq de l’album « Plutôt guitare », l’harmonie des guitares est à signaler. Gibson, Taylor, Guild, le caractère de ces grandes dames est facile à analyser. Sur cet album, la voix est un peu en retrait. Enregistrement en cause, ou fréquence correspondant à une petite plage du haut médium qui m’a parfois semblé un rien moins lisible que le reste de la restitution. Je signale ici que si les câbles HP sont coûteux, la modulation est, me semble-t-il, un RealCable qui doit avoisiner un budget de 100 euros. Encore une fois, je me surprends à forcer l’analyse face à un moment où je n’ai q’une envie, celle d’être spectateur. Ce que j’interprète comme une preuve d’enthousiasme.
Sur l’album de Sara K., je retrouve le même plaisir : matière, ambiance, ouverture, timbre, aération, profondeur. Tout comme sur Baldamore, où, bien qu’étant limité dans le sous-grave, les percussions sont rapides, timbrées et bien détourées.
Voici la chronique du souvenir d’un moment de musique que je n’attendais pas. Simplement parce qu’il est né d’une association à laquelle je n’aurais pas songé. Ce n’est sans doute pas un ensemble « toutes musiques à tous niveaux d’écoute » et je n’ai pas essayé de « house » (j’ai horreur de ça
) ou autre « heavy métal », ni de grandes formations orchestrales. Mais l’amateur exclusif de ces genres musicaux s’intéresse-t-il à un petit ampli à lampes ? Mes écoutes ont porté sur du Blues acoustique et électrique, du Jazz, de la chanson française, dans ces cas la dynamique, était tout à fait satisfaisante. Je fus très impressionné, surtout au vu du budget des électroniques, par l’ouverture, l’aération, les timbres, les ambiances de salles superbes. Même s’il ne fait aucun doute que la Sophia 3 peut nous emporter plus loin, je me suis retrouvé face à une association qui m’a fait passer un très beau moment de musique accompagné de belles émotions, cela sans avoir eu le sentiment de vivre un compromis. Ce beau tête-à-tête était une très agréable façon de rencontrer cette nouvelle Sophia 3
Merci de m’avoir lu.
Dans toute chose il y a une faille.
C'est ainsi qu'entre la lumière.
Leonard Cohen
itou